3 avril 2025

Ivresse d'oiseau - une recherche sur les origines animales de la musique. (6/7)

Journal de bord de résidence : Kico me donne un cours privé de silbo dans le Barranco d'Arure

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J’ai rendez-vous dans le parc de la Torre del Conde avec Francisco Correa, dit Kico, qui est le coordinateur de l'enseignement du silbo sur l'ile de la Gomera. Il me parle de son expérience du silbo, appris en famille, dès son plus jeune âge. Lorsqu’il était enfant, les membres de sa famille se servaient du silbo pour communiquer au quotidien, par familiarité à la maison, et par nécessité lorsqu'ils se déplaçaient dans la montagne.

En l’écoutant, le silbo m'apparait alors comme une langue de l'intime, du familier, que l’on partage avec ses proches et qui soude les liens, peut-être du fait de sa dimension idiosyncratique. Le silbo étant une simplification du langage parlé (il procède par réduction et transposition des phonèmes), il y a finalement une assez grande liberté d'interprétation et cela nécessite pour bien se comprendre de pratiquer avec des personnes proches, dont on apprend les manières de faire et les tics de langage. Et je repense alors à la facilité qu'avaient Antonio et Silvia pour se comprendre. Ils se sont entrainés à siffler l’un avec l’autre durant plusieurs années. 

Je parle à Kico de mon désir d'expérimenter la possibilité d'un dialogue avec des oiseaux. Il me raconte aussi qu'il  a eu des expériences similaires à Rogelio, notamment avec des merles dont le chant est proche des sons du silbo. Il me parle également du fait qu'il a été invité à siffler de par le monde à des occasions spécifiques, notamment dans une série de représentation de la pièce les oiseaux d'Aristophane ou dans un film policier allemand dont le protagoniste principal apprend à siffler pour communiquer avec ses complices à l’insu de ses gardiens pendant qu’il est en prison. Kico m’affirme qu’il peut siffler dans différentes langues en appliquant la même règle de transposition des phonèmes, mais cela peut lui demande du travail pour certaines langues qu’il ne connait pas, car il doit s'habituer à la prononciation, en particulier pour certains phonèmes qui n’existent pas en Castillan.

Barranco de Arure

Quelques jours plus tard, je rejoins Kico à Valley gran rey. Nous allons dans un barranco magnifique, ce coin de terre irrigué par un torrent est cultivé et accueille une communauté d’agriculteurs et d’éleveurs, ce qui nous vaut d’entendre quelques cris de coqs dans les enregistrements. Nous trouvons un emplacement idéal, à proximité d'un groupe d'oiseau. Kico lance différents appels en direction des oiseaux. Mais c'est davantage le coq qui répond… Peut-être que les oiseaux qui vivent à proximité des humains sont moins réactifs que ceux qui vivent dans la forêt ? Kico profite alors de ce moment pour me transmettre quelques notions de silbo.

Puis nous nous focalisons alors sur la lecture d'extraits du cantique des oiseaux, traduits en espagnol. Kico s'exécute avec une grande générosité et beaucoup d'application.

Kico sifflant le Cantique des Oiseaux

Le résultat est très beau. Je sens néanmoins une certaine tension entre le silbo du quotidien, aux mélodies simples et au rythme fuide, et le silbo des textes littéraires, dont la vocalisation en silbo semble parfois se heurter aux limites du corps humain. Comme si le silbo était avant tout fait pour exprimer les joies et les peines du quotidien. Pour dire des mots simples et chargés d'émotions. Dans une langue complexe et raffinée, intellectualisée, le silbo apporte certes du corps, de l'émotion. Mais cela donne un résultat musical qu’on sent plus travaillé, comme une forme d'intellectualisation de la forme même qu'il prend, moins spontanée que dans les échanges quotidiens.

A la fin de l'expérience, comme pour me montrer que la tradition du silbo est bien vivante, des randonneurs au loin se mettent à siffler et à discuter avec Kico. Lorsqu'ils arrivent à notre niveau, je découvre qu'il s'agit de jeunes allemands installés sur l'île qui ont appris le silbo à l'école. Je me plais à imaginer ces mêmes enfants devenus grands en train de siffler entre eux dans les rues de Berlin.

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Libro de registro de residencia: Kico me da una clase privada de silbo en el Barranco d'Arure.

Tengo una cita en el parque de la Torre del Conde con Francisco Correa, conocido como Kico, que es el coordinador de la enseñanza del silbo en la isla de La Gomera. Me cuenta su experiencia con el silbo, aprendido en su familia desde muy pequeño. Cuando era niño, los miembros de su familia utilizaban el silbo para la comunicación diaria, para jugar o por familiaridad en casa, y también por necesidad cuando viajaba por la montaña.

Al escucharlo, Silbo me aparece como un lenguaje íntimo, que compartimos con quienes nos rodean y que fortalece vínculos, quizás por su dimensión idiosincrásica. Al ser Silbo una simplificación del lenguaje hablado, en última instancia hay bastante libertad de interpretación y esto requiere practicar con personas cercanas, de quienes aprendemos sus formas de hacer las cosas y sus tics lingüísticos, para poder comprenderlo completamente. Y luego pienso en la facilidad con la que Antonio y Silvia se entendían. Practicaron silbar juntos durante varios años.

Hablo con Kico sobre mi deseo de experimentar la posibilidad de un diálogo con los pájaros. También me cuenta que ha tenido experiencias similares a las de Rogelio, especialmente con mirlos cuyo canto se acerca al sonido del silbo. Me cuenta también que ha sido invitado a silbar por todo el mundo en ocasiones concretas, en particular en una serie de representaciones de la obra Los pájaros de Aristófanes o en una película policial alemana cuyo protagonista principal aprende a silbar para comunicarse con sus cómplices mientras está en prisión, sin que sus guardias lo sepan. Kico me cuenta que puede silbar en diferentes idiomas aplicando la misma regla de transposición de fonemas, pero esto puede requerir trabajo para ciertos idiomas que no conoce, porque tiene que acostumbrarse a la pronunciación, en particular a ciertos fonemas que no existen en castellano.

/// foto del Barranco de Arure

Unos días después me uní a Kico en Valley Gran Rey. Nos dirigimos a un magnífico barranco, este rincón de tierra regado por un torrente está cultivado y acoge a una comunidad de agricultores y ganaderos, lo que nos permite escuchar algún que otro canto de gallo en las grabaciones. Encontramos una ubicación ideal, cerca de un grupo de aves. Kico hace diferentes llamados hacia los pájaros. Pero es más el gallo el que responde... ¿Quizás las aves que viven cerca de los humanos son menos reactivas que las que viven en el bosque? Kico aprovecha entonces este momento para enseñarme algunas nociones de silbo.

Luego nos centramos en la lectura de extractos del canto de los pájaros, traducidos al español. Kico lo hace con gran generosidad y diligencia. Siento que se exige mucho a sí mismo y pide repetir ciertos pasajes varias veces.

/// Kico silbando el Canto de los Pájaros

El resultado es muy bonito. Sin embargo, siento una cierta tensión entre el silbo de la vida cotidiana, con melodías sencillas y un ritmo fluido, y el silbo de los textos literarios, cuya vocalización en silbo parece a veces chocar con los límites del cuerpo humano. Como si el silbo estuviera hecho sobre todo para expresar las alegrías y las tristezas de la vida cotidiana. Decir palabras sencillas y llenas de emoción. En un lenguaje complejo, refinado e intelectualizado, el silbo ciertamente aporta cuerpo y emoción. Pero esto da un resultado musical que sentimos más elaborado, como una forma de intelectualización en la forma misma que toma, menos espontánea que los intercambios sobre cosas cotidianas. Tengo la impresión de que el silbo adquiere toda su expresividad en situaciones sencillas de la vida cotidiana. Sin embargo, la discrepancia creada por su uso para declamar este poema místico también me interesa y decido quedarme con ambos.

Al final de la experiencia, como para mostrarme que la tradición del silbo está viva y coleando, los excursionistas a lo lejos comienzan a silbar y charlar con Kico. Cuando llegan a nuestro nivel, descubro que son jóvenes alemanes residentes en la isla que aprendieron silbo en la escuela. Me gusta imaginarme a esos mismos niños ahora mayores silbando entre ellos en las calles de Berlín.